Le fumain et l’urine au jardin

janvier 30, 2023 0 Par Pierre Buchwalder

Le fumain, contraction du mot « fumier » et du mot « humain », désigne d’un bien joli mot le compost de sels humaines. Son utilisation est encore marginale dans nos sociétés industrialisées, préférant déféquer dans leurs réserves d’eau potable. « Lorsque nous jetons le fumain comme un déchet et polluons nos sols et nos réserves d’eau avec lui, nous l’utilisons de façon incorrecte, et c’est là que réside le danger. Lorsque nous le recyclons de manière constructive en le compostant, il enrichit notre sol ». (Le Petit livre du Fumain, Joseph Jenkins). Le fumain issu d’un processus de compostage correct constitue une véritable alternative économique et écologique aux engrais chimiques. Il s’utilise sans danger pour peu que l’on prenne quelques précautions.  Le fumain doit être composté deux ans pour éviter tout risque sanitaire. Cette durée peut-être réduite par une maîtrise avancée de la température, du taux d’humidité, de l’équilibre carbone/azote et de la manutention lors du processus de compostage. Pour un compostage optimale le fumain doit être entassé sous la forme d’épais andain d’ 1m de hauteur environ et d’une longueur variant entre 1 à 5 m voir plus, sous une toile tissée noire. De cette manière le fumain respire et absorbe les précipitations sans être noyé. De plus il bénéficiera des rayonnements solaires et chauffera d’autant plus. En effet celui-ci  doit monter en température lors des premiers mois de sa formation (l’utilisation de thermomètre agricole est conseillé). Le fumain doit monter à une température d’au moins 50°C pendant sa phase active. De plus le fumain doit être composé d’un bon équilibre carbone/azote. Ce rapport doit être d’une valeur de 20 et 30, c’est-à-dire que l’élément chimique carbone (C) doit être 20 à 30 fois plus important que la quantité d’élément chimique azote (N). Dans chaque matière organique il y a à la fois du carbone et de l’azote, en présence plus ou moins importante. Par exemple, dans le foin le rapport carbone/azote et de 30. Il est de 300 pour la sciure de bois et de 0,8 pour l’urine. Il faut donc mélanger ces matières organiques dans un compost pour avoir un bon rapport. Pour ce faire on mélange aux sels humaines (rapport C/N situé entre 5 et 10) de la sciure de bois non traitée dont le rapport C/N est situé aux alentours de 300. Il n’est pas recommandé de mettre trop de sciure, un verre suffit à chaque utilisation des toilettes, car le rapport C/N de la sciure est très grand (voir tableau des rapports carbone/azote plus bas).

L’urine au jardin est donc une formidable source d’azote ! Elle contient aussi du phosphore, du potassium, du sodium, du magnésium, du calcium et d’autres oligo-éléments nécessaire à la croissance des plantes. Ceux-ci sont directement assimilables par les plantes. Et le tout gratuitement tout en allégeant votre facture d’eau. Et contrairement aux sels, elle ne contient pas ou peu d’agents pathogènes, étant stérile. Il est donc grand temps d’utiliser votre urine au jardin. 

L’urine s’utilise aussi bien avant que pendant les cultures. À Fruticée nous l’utilisons à plusieurs reprises. Premièrement comme engrais pour favoriser le compostage et la vie du sol. Deuxièmement, nous la répandons sur les planches de cultures et mulch végétaux composés de matériaux carbonés tels que la paille, le foin et les copeaux de bois. Troisièmement, une fois les plantes semées et/ou transplantées et comme le veut la règle, nous la diluons dans l’eau avant de la répandre, à raison d’une dose d’urine pour 10 d’eau. Renaud de Looze, auteur de « L’urine, de l’or liquide au jardin » préconise un arrosage à l’urine toutes les 2 semaines. Et recommande de ne pas dépasser 2 à 3 L par m². 

Mes ami.e.s du quartier des Lentillères récoltent l’urine produite par une petite cinquantaine de personnes depuis deux ans pour leurs cultures maraîchères. L’urine est conservée tout l’hiver dans des bouteilles en plastique dans lequel iels ont ajouté un demi-verre de vinaigre blanc. Cela stabilise l’urine et permet sa conservation. Puis elle est utilisée au printemps dans les tunnels et les champs où tomates, aubergines, concombres poussent en nombre.

Tableau des rapports carbone/azote de différentes matières

MatièreRapport Carbone/AzoteMatièreRapport Carbone/Azote
Urine0.8Foin (attention aux graines)30
Sang2Aiguilles de pin (attention à l’acidité)30
Sels humaines (à composter en fumain)5-10Tourbe noire30
Feuilles d’arbres fraîches7Feuilles mortes (à l’automne)40-80
Humus10Tourbe blonde50
Compost de fumier Quantitématière1RapportCN+Quantitématière2RapportCNQuantitématière1+Quantitématière2(après 8 mois)10Mélange de tiges et feuilles20-60
Gazon10Paille de céréales50-150
Consoude10Paille d’avoine, de seigle et d’orge50-65
Fientes de volailles10Écorce100-150
Fanes de légumineuses15BRF (Bois Raméal Fragmenté) 50-150
Algues rincées (enlever le sel)17Paille de blé150
Luzerne16-20Papier journal (sans couleur)150
Fumier frais pauvre en paille20Sciure de bois décomposée200
Épluchures10-25Carton sans encre ni scotch200
Marc de café25Sciure et copeau de bois (pure et non-traités)150-500
Fanes de pomme de terre25Cendre de bois200-500
Orties âgées25-30

Source : https://www.service-public.pf/sdr/wp-content/uploads/sites/28/2017/04/2_1_tableau_indicatif_rapports_c_sur_n.pdf

Pour le calcul : Rapport général=

Ce calcul n’est valable que si la teneur en eau des deux matières est similaires. Si ce n’est pas le cas, la pondération doit se faire sur la base de la matière sèche.

Petit plus : Utiliser l’ortie, la consoude, les peaux de banane et/ou l’achillée millefeuille pour accélérer le démarrage du processus de décomposition. Éviter les litières de déjections animales.  

Reconsidérer la ronce (Partage de savoirs)

Épineuses, arquées, sombres et foisonnantes, les ronces ont tout pour plaire aux écophobes. A croire qu’elles pullulent exprès dans leur jardin, pile là où il ne faut pas.    Pourtant la ronce a plus d’un tour dans son sac et réserve quelques surprise à celle ou celui qui lui laissera un bout de son jardin pour quelques années. Héliophile, la ronce se disperse et croit sur les prairies et espaces découverts pour former d’épais buissons impénétrables. C’est là, que petit-à-petit, la forêt  s’installe. Protégés par ses épines, de frêle feuillus prospèrent dans sa litière, semer par les oiseaux venus se gorger de mûres au mois d’août. Sureau, noyer, saule, érable et d’autres arbres pionniers viennent s’y épanouir et prospérer.  Habituellement mets favoris des herbivores, les jeunes arbres croient année après année, se frayant un chemin entre les frondaisons arquées de la ronce. Celle-ci a le bon goût de laisser assez d’espace et de lumière pour les quelques feuilles du feuillus, tout en couvrant et protégeant son pied de la compétition avec les herbacées, des sécheresses et des grands froids de l’hiver. Et ce n’est pas tout. ,La ronce, en recréant un micro-climat au niveau du sol, créer des conditions favorables au développement des micro-organismes et des champignons. Ceux-ci  participent de la foisonnante activité du sol, améliorant la structure de celui-ci et ses caractéristiques chimiques. Une fois l’arbre ayant atteint 3-4 mètres de hauteur et après avoir étoffer son houppier, la ronce va se retirer progressivement de son pied pour migrer  lentement vers des endroits plus ensoleillés. 

Cependant, l’alliance avec les ronces dans le cadre de la plantation d’arbres n’est pas sans hic. La ronce garde ses intérêts propres et n’a pas intérêt à migrer de là où elle s’est installée sans une bonne raison. Les arbres ne devront donc pas chaumer et pousser avec entrain afin de gagner leurs places au soleil.